Le handicap dans le sport automobile - Dix pilotes d'exception! (Partie 2)
Seconde partie de mon article sur les pilotes souffrant de handicap, il fait suite à la partie 1.
Les Jeux Paralympiques 2024 viennent d'être lancés, à cette occasion, je souhaite vous parler de plusieurs pilotes automobiles qui ont su malgré leur handicap participer et même performer dans des disciplines pourtant exigeantes. Aujourd'hui, quatre autres personnalités forte.
5. Henri Pescarolo - Maladie génétique entraînant la paralysie:
Né en 1942, Henri Pecarolo se passionne très vite pour le sport automobile, mais ce n'est qu'a 20 ans, alors qu'il est étudiant, que son père les inscrits tout les deux au Rallye de la Baule durant lequel ils se sont partagés le volant. Deux ans plus tard, il s'inscrit à l'école de conduite AGACI à Montlhéry dont il devient le meilleur élément. En remportant trois victoires lors de la Coupe des Provinces, il est repéré par Matra qui le recrute pour son écurie de sport. En 1965, il participe à sa première course de Formule 3 avec comme coéquipier un certain Jean-Pierre Beltoise, puis en 1966 il participe à ses premier 24h du Mans tout en terminant la saison de F3 en seconde position avant d'enfin être titré en 1967.
En 1968, il passe en Formule 2 et devient vice-champion d'Europe avant de participer la même année à son premier Grand Prix de Formule 1 au Canada, toujours allié à Matra. Sa saison 1969 commence en trombe puisqu'il mène le championnat d'Europe de F2, mais le 16 Avril, à l'occasion d'essais sur le circuit du Mans, il est victime d'une défaillance aérodynamique et sa Matra décolle sur la bosse des Hunaudières avant de retomber lourdement dans les arbres bordant la piste. La voiture s'embrase presque aussitôt mais il est rapidement secouru, cependant il en ressort gravement brûlé et avec deux vertèbres fracturées. Il ne reprendra la compétition qu'après l'Eté, mais malgré cette absence, Matra le reconduit et le français est promu à la F1 pour la saison 1970.
Sa saison 1970 se passe mal et Matra ne le reconduit pas. A partir de ce moment, Pescarolo va mener un double programme F1/Sport dans diverses écuries, en commençant par Williams en F1 et Alfa Romeo en Sport. Et si sa carrière en monoplace sera poussive, au point qu'il décide de stopper la F1 en 1976, ses bon résultats en voitures de sport le fait rappeler par Matra avec qui il remporte trois éditions des 24h du Mans, 1972, 1973 et 1974. Mais le rêve sera de courte durée, et le français enchaînera les déconvenues pendant le reste de sa très longue carrière qui s'achèvera en 1999! Il remporte cependant une dernière fois les 24h en 1984 avec la Porsche du Joest Racing et deux victoires de catégorie en 1976 sur une Inaltéra et en 1992 chez Courage.
Petit à petit, au cours de sa carrière, certains témoins remarquent que le visage de Pescarolo se "rigidifie", que certaines de ses expressions faciales disparaissaient pour ne laisser qu'une grimace. Il révèlera être victime d'une maladie lui paralysant petit à petit les muscles mais qu'il continuerait à courir tant que son corps le lui permettait, et finalement en 1999, à l'âge de 57 ans et un record de 33 participations (!), c'est finalement plus une question de fatigue liée à l'âge que véritablement de maladie qu'il se retire pour se consacrer à son autre activité, la gestion de son écurie de course.
Pescarolo avait commencé sa carrière de chef d'équipe en 1994, lorsque Elf le met à la tête de La Filière, structure de formation de jeunes pilotes dont sortiront sous sa coupe, entre autres, Sébastien Bourdais et Frank Montagny. En 2000, Elf lâche La Filière, et Pescarolo décide de fonder sa propre écurie, Pescarolo Sport, bâtie sur les bases de La Filière, voitures et structures déjà en place. L'écurie porté par son patron éponyme ne remportera jamais la mythique épreuve mancelle, mais son statut de David contre Goliath face aux Audi lui assure une grande popularité auprès du publique. L'écurie met cependant la clé sous la porte après 10 ans d'existence, mais le vétéran ne s'en laisse pas compter et crée une nouvelle structure en 2011, pour fermer à nouveau en 2012 à cause du manque de financement, non sans remporter le titre pilotes en Le Mans Series.
En 2013, Pierre Fillon, président de l'ACO (Automobile Club de l'Ouest, l'organisateur des 24h du Mans), le nomme ambassadeur des 24h, et depuis il continue a vivre sur les circuits, souvent en consultant, parfois en simple spectateur, mais toujours aussi passionné malgré une fatigue de plus en plus présente et un AVC en 2023, l'homme semble irréductible!
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6. Evan Evans - Paraplégique:
Né en 1965, l'américain Evan Walker Evans se destinait tout d'abord à la course moto, et en particulier au motocross qu'il débute à 14 ans. Il écumera ainsi les compétitions locales pendant dix ans avec plus ou moins de succès, mais toujours beaucoup de cœur. Il se fait remarquer par son aisance dans les bosses, une sorte d'instinct pour la prise d'obstacle, mais péchant dans la prise de virage et surtout dans les contacts.
Le 13 Juillet 1989, Evan Evans ne court pas, il rentre chez lui au guidon de sa moto comme il le fait tout les jours après sa journée de travail quand il percute au détour d'un croisement la barrière d'un chantier non indiqué. Il est projeté de sa moto et tombe lourdement sur le dos, et si sa vie n'est pas menacée il en ressort paralysé en dessous de la poitrine, sa moelle épinière thoracique aillant été écrasée par le choc... Après tout de même quelques mois de rééducation et de profonde réflexion, Evans vivant cette paralysie comme "son pire cauchemars devenu réalité", il sort de l'hôpital en se fendant d'un trait d'humour auprès des médecins: "Puisque je ne peux plus marcher, alors je passerais ma vie sur des roues!". Trois jours après, il participait à sa première Baja 1000, une sorte de Paris-Dakar de l'extrême dans la péninsule de Basse Californie, entre Ensenada et La Paz! Il partageait le volant avec son père qui avait adapté la voiture à son handicap en plaçant une palette d'accélération su le volant.
En 1990, il achète un pick-up de compétition destiné aux courses tout-terrain (un trophy truck) et installe toujours avec l'aide de son père un accélérateur au volant. Il participe à une saison complète de Short-Course (le MTEG) et montre déjà que malgré son handicap, il a tout à fait le niveau demandé pour la compétition régionale. En 1996, il achète un Chevrolet C1500 avec le soutient de la société amérindienne des Potawatomi et du circuit de Crandon pour rentrer dans le championnat off-road SODA en class 13 (trophy truck deux roues motrices modifiés). Il remporte le championnat dans sa catégorie dès sa première tentative et est promu "pilote de l'année" du SODA. L'année suivante, il remporte huit courses et termine vice-champions de la class 13. En 1998, le championnat SODA prend fin et est remplacé par le CORR, la class 13 devient le Pro 2 et Evans prend part à ce nouveau championnat. Et en six ans de CORR, Evans remportera une vingtaine de courses, cependant sans aucun titre à la clé.
En 2000, Evans participe à la course de Pikes Peak au volant d'un truck Chevrolet (avec le soutient de la marque). Seul truck de sa catégorie, il tient tête à des Porsche et Toyota en terminant 4ème de sa catégorie, avec à la clé le record de la course sur moteur diesel! Il est sans conteste élu "rookie de l'année" (meilleur débutant) par les organisateurs et reçoit le "Never Give Up Award", le titre du "n'abandonne jamais".
Aujourd'hui, Evan Evans ne participe plus à la compétition auto, mais dès 1995, il a été accueillit par Chevrolet et inclus dans le programme GM Mobility destiné à l'inclusion de solutions pour le handicap des véhicules General Motors (Buick-Chevrolet-Cadillac) et en devient porte-parole en 2000. Depuis, Evan Evans participe aux solutions pour le handicap dans la compétition et est entré dans le Hall of Fame (le mur des célébrités) de la course Off-Road, grâce à son travail, plusieurs pilotes en situation de handicap ont pu participer aux compétitions locales ou régionales, et les civils ont pu profiter de toute cette adaptation dans leur vie quotidienne.
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7. Axel Allétru - Paraplégique:
Né en 1990, Alex Allétru ne se destinait tout d'abord pas aux sports mécanique et s'est lancé dans le cyclisme cross. A cinq ans, il débute en BMX et l'année suivante il devient champion d'Europe Junior et vice-champion du monde Junior! Jusqu'en 2000, il accumule les titres européens et mondiaux, tantôt premier, tantôt second, mais toujours au top. En 2000, alors âgé de 10 ans, il suit les traces de son père et se lance dans le motocross. Il va enchaîner les victoires d'épreuves et en 2004 il devient champion de France junior des sables puis en 2006 champion du monde junior de Supercross! A l'âge de 16 ans, il met fin à ses études pour se consacrer à la course avec le statut de nouvel espoir français du motocross puis en 2009, il signe avec KTM dans le cadre du MXGP, le Championnat du Monde de Motocross, en catégorie MX2.
Le 27 Juin 2010, Allétru participe au Grand Prix Motocross de Lettonie à Kegums. Actuellement en milieu de classement au championnat, il a du mal à se mettre au niveau de la compétition professionnelle mais progresse de course en course. A kegums, il part en milieu de peloton mais après quelques minutes de course, il rate une bosse, tombe de sa moto, et se réceptionne très lourdement sur les fesses. Toujours conscient, il essaie de se relever et de rejoindre sa moto pour repartir, mais ses jambes ne répondent pas, Axel est devenu paraplégique à cause du choc au sacrum qui s'est propagé dans sa colonne vertébrale lombaire.
Axel Allétru va passer plusieurs mois en rééducation physique et surtout mentale, et dans ce cadre, il va s'essayer à plusieurs handisports et trouve dans la natation une nouvelle reconversion. En 2011, il intègre la Fédération Française de Natation Handisport et grâce à ses efforts quotidiens retrouve un peu de mobilité dans les jambes jusqu'à réussir contre toute attente à remarcher. Il a cependant perdu 80% de sa masse musculaire au niveau des jambe et aura certainement toujours besoin d'une canne pour se maintenir debout, ses jambes fatiguant également rapidement il reste tout de même principalement en fauteuil. Il remporte cinq titres de champion de France 50m papillon et autant de titres en 400m nage libre, puis en 2016, ses chronos lui permettent d'être sélectionné pour les Jeux Paralympiques de Rio, mais décide finalement de ne pas participer. La même année, il renoue avec les sports mécaniques, cette fois sur quatre roues en catégorie SSV et termine second de la course internationale de Pont-de-Vaux.
En 2017, il arrête la natation pour devenir conférencier, il profite de ce statut pour parler de son expérience du handicap, de sa rééducation, et de la compétition handisport. Il continue cependant le sport automobile, toujours en SSV il remporte le British Enduro Championship, puis en 2018, la course de Pont-de-Vaux. En 2019 il participe au Rallye du Maroc et se montre suffisamment rapide pour se qualifier pour le Dakar 2020. Lors du plus grand Rallye-Raid du monde, il remporte la catégorie SSV Standart (buggys non modifiés) et termine 7ème du classement général SSV.
Il reprend ensuite le chemin de la moto et s'entraîne pour tenir le plus longtemps possible sur sa machine. Le 4 Février 2024, il participa à l'Enduropale! Il sait cependant qu'il ne pourra pas tenir les trois heures de course, alors se donne pour objectif de réaliser le holeshot: être le premier à la sortir du premier virage! Sur la longue ligne-droite de Stella-Plage, à plus de 160km/h pendant deux minutes, il passe à quelques mètres de son objectif et sort du premier virage en quatrième position! Un exploit pour un homme qui, quatorze ans avant, a cru ne plus jamais pouvoir remonter sur une moto de sa vie.
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8. Billy Monger - Amputé des deux jambes:
Né en 1999, Billy Monger est la preuve que le courage n'attend pas le nombre des années. Fils d'un ancien pilote de karting, il est placé derrière un volant à l'âge de six ans et va passer six années de 2008 à 2013 sur les pistes avant d'entrer dans le championnat Ginetta Junior à 15 ans. Après deux années dans ces petites GT, il passe en monoplace dans le championnat anglais de Formule 4 en 2016. Pilote de milieu/haut de peloton, il ne marque pas vraiment la discipline malgré deux podiums, sa saison 2017 commence bien mieux puisqu'il signe deux podiums et reste toujours dans les points lors des quatre premières courses.
Le 16 Avril 2017, Billy Monger vient juste d'avoir 18 ans quand il prend le départ de la sixième course à Donington. Il se fraie un passage dans le peloton pour être en 6ème position et se retrouve dans l'aspiration d'un autre pilote à Starkey's Bridge. En pleine accélération, le pilote qui le précède fait un écart à gauche, Monger n'a pas le temps de faire la même chose, il n'a pas vu la voiture de Patrik Pasma à l'arrêt sur la droite de la piste et vient s'y encastrer à pleine vitesse! Billy Monger est conscient, mais ne peut pas sortir de sa voiture, ses jambes ont étés broyées par la force de l'impact. Après de longues minutes pour le désincarcéré et d'heures d'intervention à l'hôpital, il ressort amputé des deux jambes, la droite sous le genoux et la gauche au dessus... Pasma de son côté s'en sort sans avec seulement quelques contusions.
Le soir même de son accident, l'écurie JHR Developments qui engageait Monger décide d'ouvrir une page de don sur la plateforme JustGiving. En 24h, ils reçoivent plus de 500 000 Livre, soit presque 600 000 Euro! C'est toute la communauté du sport automobile qui se dresse pour aider le jeune pilote, dès la course suivante des messages sont arborés sur les voitures, on voit fleurir des stickers "#BillyWhizz" sur les pare-brise des voitures de BTCC et même certains pilotes de F1 viennent à la rencontre du jeune pilote dont Jenson Button, Lewis Hamilton et Max Verstappen! Deux mois après son accident, Frédéric Sausset (dont je reparlerai bientôt) annonce que Monger fera partie d'un des équipage de sa Ligier dans le cadre des V de V Series pour la manche d'Estoril, et dès Juillet (soit trois mois après son accident), il était de retour au volant d'une Fun Cup adaptée à son handicap à Brands Hatch. Il y récupère sa licence de pilote et déjà prévois un retour en monoplace pour 2018!
En Février 2018, Monger effectue des test sur une Formule 3 adaptée avec l'accélérateur et le frein au volant. Avec des temps tout à fait respectable, il est engagé par l'écurie Carlin pour participer à la saison complète de F3 britannique, il y effectuera deux saisons tout à fait respectables avec six podiums et surtout une victoire au Grand Prix de Pau dans des conditions météo difficiles! Il réalise également le rêve de tout jeune pilote de monoplace en pilotant une F1, plus précisément une Sauber C30, sur le circuit de Rockingham en Juin 2018.
En 2019, Billy Monger annonce la fin de sa carrière en sport automobile pour se tourner vers le métier de journaliste sportif, il devient consultant chez Channel 4 dans le cadre de la Formule 1, des W Series et des Jeux Paralympiques, on le retrouvera d'ailleurs pour cette édition 2024 outre-manche. L'arrêt du sport automobile n'a par ailleurs pas mis fin à la sportivité du jeune homme puisqu'en 2021 il effectue le Billy's Big Challenge, une épreuve caritative où il effectue 230km combinant de marche, canoë et cyclisme. Il y recevra 3 millions de livre de don (soit environ 3 million 500 mille euro) destiné au Comic Relief, l'équivalent anglais du Téléthon. Aujourd'hui, Billy Monger reste très actif dans le cadre de l'aide au handicap et continue son travail de journaliste sportif. A 25 ans, son avenir semble radieux malgré la perte de ses jambes.
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On se retrouve Lundi pour la dernière partie avec deux pilotes et un invité, bons Jeux Paralympiques à tous!
Neet for Speed
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