Minardi Scuderia F1 Team - 1ère partie - Le projet de toute une vie de Giancarlo Minardi
Lorsque l'on se penche sur le palmarès de l'écurie Minardi en Formule 1, c'est comme regarder le carnet du dernier de la classe. Du rouge partout, un rouge si envahissant, sous l'ombre d'un autre rouge, celui de la Scuderia Ferrari, pour laquelle tous les italiens n'ont d'yeux. Le rouge, c'était aussi la couleur qui représentait les finances de cette écurie, toujours sur la corde raide, sauvée de nombreuses fois in extremis.
Et pourtant ! De 1985 à 2005 avant son rachat par Red Bull pour devenir Toro Rosso, la petite squadra de Faenza aura vécue, survécue et pris une place inestimable dans le coeur de nombreuses personnes qui suivent la Formule 1.
A peine deux 4ème place comme meilleur résultat, aucun podium, aucune pole, aucun meilleur tour, un seul tour en tête grâce à l'un de ses plus fidèles pilotes, l'italien Pierluigi Martini.
Année après année, Minardi a résisté. En 20 ans bien des équipes et constructeurs mieux nantis auront disparu : Lotus, Brabham, Alfa Romeo, Ligier, March, Arrows, Osella, Zakspeed. A cette liste déjà bien fournie on peut ajouter Larrousse, Prost Grand Prix, Lola-Haas, Pacific, Rial, Spirit, Simtek et encore tant d'autres... Un véritable cimetière autour de l'écurie Minardi qui malgré tout est restée debout.
En ce laps de temps de 20 ans peu d'équipes auront vu le jour et résisté : Jordan, désormais devenue de nos jours Aston Martin, Sauber dont le nom existe encore actuellement, BAR qui est l'actuelle écurie Mercedes, Stewart, devenue Jaguar puis l'actuelle écurie Red Bull et Toyota qui disparaîtra à l'issue de la saison 2009.
Le plateau de la saison 2024 porte l'héritage de nombreuses écuries du passé
Minardi, c'est une écurie qui a survécu à force de passion, qui a transcendé les volontés, sublimé les efforts et accepté les déceptions. Un véritable exemple dans un sport de requins tel que la Formule 1.
Des débuts sous le signe du lion :
Giancarlo Minardi est né en 1947 dans la ville de Faenza, située à quelques encablures du circuit d'Imola et des usines Ferrari. Issu d'une famille possédant alors la plus grande concession Fiat du pays, son père Giovanni y aligne dès les années 40 ses propres voitures de course. Son décès laisse Elena, sa femme, veuve, et ses trois fils reprendront alors les affaires familiales. Giancarlo hérite alors de l'écurie de son père.
En 1972 il y établit sa propre structure sous le nom de Scuderia del Passatore, y alignant des monoplaces de Formule Italie. Deux ans plus tard, cette structure devient la Scuderia Everest et court alors en F2. Nombre de pilotes réputés y piloteront alors comme Regazzoni ou de Angelis.
Quelques têtes connues au sein de la Scuderia Del Passatore
C'est en 1979 qu'est fondée Minardi Spa, dont l'écusson est un lion... cabré, toute référence à un autre célèbre constructeur italien serait alors fortuite ! C'est l'ancien ingénieur de Ferrari, Giacomo Caliri, qui conçoit alors les monoplaces, avec comme point d'orgue une victoire d'Alboreto à Misano en 1981.
Fin 1984, la F2 disparait pour faire place à la F3000. Giancarlo Minardi hésite alors à se lancer dans cette discipline bien plus onéreuse et se dit alors qu'entrer directement en Formule 1 justifierait tel investissement.
Reste à s'associer avec un motoriste. Minardi se tourne alors vers Alfa Romeo qui fournit déjà des moteurs à Osella. Un accord est trouvé, deux blocs sont alors fournis pour des essais. La M185 effectue ses premiers tours à Misano en novembre... et Alfa Romeo retourne sa veste. Un premier des innombrables coups durs que va subir Minardi.
L'ex-Président d'Auto Delta, filiale compétition d'Alfa Romeo vient alors à la rescousse, lui-même débarqué par le constructeur milanais. Ayant désormais créé sa propre société "Motori Moderni" et construit une usine à Novara, entouré d'une douzaine d'ingénieurs, dont la moyenne d'âge est de 58 ans !
Fin février, sur un fond sonore de la Walkyrie et Wagner, le 6 cylindres transalpin émet ses premiers rugissements dans la banlieue de Faenza. La foule est enthousiaste mais sceptique. Un seul pilote est engagé, il sera son pilote emblématique, l'italien Pierluigi Martini, inexpérimenté en Formule 1.
Nouveau contretemps avant l'ouverture du championnat à Rio, Minardi ne pourra pas disposer du bloc italien et se rabat sur un V8 Cosworth, toute la monoplace doit être revue pour la 3ème fois ! Martini se qualifie dernier à 16 secondes du poleman Alboreto et abandonne au 41ème tour. A ce moment Minardi compte 16 personnes au total et doit faire appel à des volontaires pour effectuer les arrêts aux stands.
Le V6 Motori Moderni apparait à Imola et Martini se qualifie 19ème sur 26, un vrai progrès ! Seulement 3 arrivées sur la saison et aucun point marqué. L'année suivant Minardi engage cette fois-ci deux pilotes. Martini repart en F3000 et ce sont alors de Cesaris et Nannini qui sont titulaires pour une saison du même tonneau, malgré une M186 "full carbone" et un système d'allumage directement issu de Ferrari.
En 1987 l'espagnol Adrian Campos prend la place de de Cesaris. La boîte de vitesses est désormais plus fiable mais le manque criant de budget se fait sentir. Ainsi les M187 ne seront équipées de freins en carbone qu'au milieu de la saison. Nannini et Campos ne voient l'arrivée qu'une seule fois chacun, les temps sont durs...
Premiers résultats notables pour Minardi et ses hommes :
Giancarlo Minardi nourrissait depuis toujours le rêve d'une équipe de Formule 1 100% italienne. Mais après 3 années très difficiles il doit alors prendre une décision radicale mais salvatrice : rompre avec Motori Moderni et se tourner vers Ford. Le V8 DFZ n'est pas un foudre de guerre en nombre de chevaux (entre 575 et 585 chevaux) mais c'est un moteur fiable et solide.
Nannini parti à regrets chez Benetton, Minardi aligne un duo de pilotes 100% espagnol avec Luis Perez-Sala aux côtés de Campos, et permet à Minardi d'être un peu plus confortable financièrement avec la signature du sponsor hispanique Loïs. La M188 est dessinée par Aldo Costa, dont le nom n'est pas inconnu même encore récemment, en effet il a été directeur de l'ingénierie chez Mercedes jusque 2017 avant d'être remplacé par James Allison.
Les Minardi sont désormais bien plus souvent à l'arrivée, du moins concernant Campos, car Perez-Sala multiplie les non-qualifications, si bien que Martini fait son retour au Grand Prix de Detroit. Pari gagnant car dans une course à élimination, seuls 9 pilotes voient l'arrivée, Martini rapporte son 1er point à Minardi avec la 6ème place. Un seul point certes, mais ô combien précieux car celui-ci évite à Minardi de passer par le couperet des pré-qualifications, indispensables à cette époque avec jusque 38 pilotes engagés par Grand Prix !
Le spectre des pré-qualifications va de nouveau obscurcir l'avenir de Minardi courant 1989 car la fiabilité du moteur Ford, sous sa version DFR, fait cette fois-ci des siennes. Et comme les écuries AGS et Onyx ont pu marquer des points, le couperet du vendredi matin vient pointer le bout de son nez à Hockenheim. Miracle à Silverstone, les deux pilotes finissent dans les points, 5ème et 6ème sur 12 pilotes classés !
Martini parviendra à marquer 3 points supplémentaires, au Portugal et en Australie, mais là où ce dernier excellent c'est dans l'art des qualifications, ne quittant plus le top 10 à partir du Portugal et s'offrant même une 1ère ligne historique à Phoenix en 1990 ! L'explication se trouve dans les gommes utilisées par l'écurie Minardi avec un partenariat quasi-exclusif avec Pirelli, leur fournissant des gommes de première qualité. Autre moment historique, lors de la course au Portugal Martini bouclera un tour en tête, le seul de l'écurie italienne... Le restant de la saison 1990 se poursuit sur la même dynamique, mais sans marquer le moindre point cette fois.
Pour 1991, moment historique, la M191 sera propulsée par un bloc Ferrari ! Le Tipo 037, un V12 qui développe plus de 700 chevaux permet à Minardi de voir plus grand. Le deal se complète avec l'engagement de Gianni Morbidelli comme 2ème pilote. Étant pilote essayeur de la Scuderia Ferrari, ce dernier connait bien ce moteur. Tout semble se profiler idéalement et pourtant le mariage du lion et du cheval cabré vont aboutir à un divorce retentissant.
La M191 est mal conçue et la boîte de vitesses ne s'adapte pas au moteur, et surtout le V12 est complexe, bien trop pour une petite structure comme Minardi. Qui plus est la facture pour la fourniture de ces moteurs sera un gouffre financier, au point que Giancarlo Minardi va accumuler des traites non payées... et se tournera vers un bloc Lamborghini en 1992, là aussi un V12.
Paradoxalement c'est lors de cette saison 1991 que Minardi obtiendra son meilleur classement au championnat du monde avec une 7ème place, grâce à deux 4ème place obtenues par Martini, ce qui constitue par ailleurs les meilleurs classements obtenus par l'écurie italienne. 1992 sera un calvaire avec un malheureux point marqué au Japon par le jeune brésilien Christian Fittipaldi.
Retour au moteur Ford Cosworth en 1993 et lors de la manche d'ouverture à Kyalami sous le déluge, Fittipaldi obtient lui aussi une belle 4ème place... avec seulement 5 pilotes à l'arrivée. Un feu de paille donc.
La M193 est quasiment vierge de sponsors et Minardi devra recourir à des pilotes payants comme Barbazza et Gounon. La situation devient intenable et pourtant Minardi doit continuer afin d'obtenir les 4 millions de dollars promis par la FOCA.
Italian Connection : La fusion Minardi - Dallara :
Tout comme Minardi, Dallara a fait les frais de l'utilisation du V12 Ferrari, les deux petites Scuderia sont alors aux abois et seule une fusion peut les sauver. Beppe Lucchini, patron de BMS s'associe alors avec Minardi et amène l'expérimenté Michele Alboreto, toujours aux côtés de Martini pour la saison 1994.
Une fin de carrière anonyme pour l'italien qui fut candidat au titre avec Ferrari dans les années 80. 5 points seront obtenus par ce tandem, mais 1994 n'était qu'une année de transition, l'objectif avoué étant la soutien d'un grand constructeur pour 1995.
Et c'est chose faite ! Enfin presque... Honda, par l'intermédiaire de Mugen envoie une maquette de son moteur à l'échelle 1/1 autour de laquelle Aldo Costa dessine la M195. Mais vient alors le coup de poignard, par un autre italien : Flavio Briatore. Ce dernier a repris l'écurie française Ligier mais a perdu Renault.
Il parvient à son tour à convaincre Mugen-Honda de le fournir en blocs moteurs en engageant en prime Aguri Suzuki pour partager le second volant avec Brundle et Panis en titulaires. Ce trio récoltera un joli pactole de 24 points... et Minardi se voit forcé de retourner vers l'indéboulonnable Ford Cosworth et sauvera une unité lors du dernier Grand Prix grâce au portugais Pedro Lamy.
L'ironie veut que celui qui aurait pu être le fossoyeur de l'écurie Minardi va en devenir son sauveur.
En effet Briatore place son protégé Fisichella en injectant quelques billets. Fisichella se montrera d'emblée bien meilleur et confirmera tous les espoirs placés en lui par Briatore.
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