Minardi Scuderia F1 Team - 2ème partie - De Briatore à Stoddart : Passation et survie
Une passation salvatrice pour l'écurie Minardi :
En 1997, Giancarlo Minardi se résout à passer la main : "Je suis fier de pouvoir dire que durant toutes ces années, toute somme encaissée a été aussitôt réinvestie, et que toutes nos échéances financières ont été honorées. Nous avons tout fait pour produire les meilleurs machines possibles, avec dignité. Nous avons amené en Formule 1 des annonceurs qui nous ont souvent été chipés par des écuries plus huppées, et nous avons réussi à survivre malgré des moteurs clients dont les performances étaient, souvent, inversement proportionnelles à l'investissement financier demandé."
C'est évidemment Briatore qui acquiert les parts de Minardi, qui vient lui-même de revendre les parts de Ligier à Alain Prost pour que ce dernier fonde Prost Grand Prix.
Briatore se voit alors faire de Minardi une sorte de junior team pour l'écurie Benetton. Briatore laisse cependant 30% des parts à Giancarlo Minardi et voit débarquer un duo Katayama + la signature du sponsor cigarettier nippon Mild Seven et un autre espoir italien, le jeune Jarno Trulli.
Vient se compléter au tableau un prometteur V8 Hart et une soufflerie flambant neuve, mais la mayonnaise ne prend pas. Même si encore aujourd'hui Jarno garde un souvenir ému de son passage chez Minardi : "Une équipe familiale, respectée de tous. Giancarlo Minardi considère chaque membre de son équipe comme un de ses fils. Peut-être était-ce une erreur, mais qui pourrait lui reprocher ?"
En 1998, Briatore entreprend de revendre l'équipe, ce à quoi Minardi s'oppose fermement et reprend alors les rênes. Il étoffe matériel et personnel à coup de millions, recrute l'excellent ingénieur autrichien Gustav Brunner et obtient le V10 Ford utilisé l'année précédente. Nakano et Tuero ne sont cependant pas recrutés pour leur coup de volant... L'arrivée de Cesare Fioro en cours de saison n'y changera rien.
Pour 1999, Brunner dessine une toute nouvelle monoplace mais les performance ne décollent pas pour autant. Les larmes de Luca Badoer alors qu'il tenait les points de la 4ème place lors d'un chaotique Grand Prix d'Europe sont encore dans toutes les mémoires aujourd'hui. Seul point positif, un commanditaire espagnol, la société de télécommunications Telefonica se montre intéressée par le rachat de l'écurie.
Nouveau duo de pilotes en 2000 avec Gene et Mazzacane et nouveau coup dans l'eau concernant la fourniture moteurs, d'un moteur Supertec, ex-Renault, l'équipe doit encore et toujours se rabattre sur un Ford Zetec vieux de deux ans déjà... Gabriele Rumi, associé de toujours de Minardi se voit lassé de lutter contre vents et marées, il cherche alors à céder les parts de l'écurie à la société de production télévisuelle PSN, sponsor de Mazzacane, qui renoncera à les acquérir au dernier moment. Est-ce la fin de Minardi ?
Paul Stoddart : Le sauveur miraculeux :
A la tête d'une fortune estimée à plus de 100 millions de dollars bâtie sur la vente de pièces détachées et propriétaire d'une compagnie aérienne, European Aviation et passionné de sport automobile, l'australien Paul Stoddart va venir en sauveur de Minardi.
Propriétaire d'une impressionnante collection de Formule 1 historiques qu'il pilote d'ailleurs lui-même en championnat historique, il a aussi fait construire une usine à Ledbury qui produit des F1 bi-places à des fins promotionnelles. Arrivé en Formule 1 comme sponsor du team Tyrrell, il songeait à bâtir une soufflerie lorsque British American Tobacco a racheté Tyrrell pour fonder BAR.
Stoddart avait alors fondé une écurie de F3000, dont Mark Webber, australien également terminera 3ème lors du championnat 2000 ! Il finit par acquérir les parts de Minardi pour 20 millions de dollars fin 2000.
Il disait alors "Avant de me rendre à Faenza, la première fis, je m'attendais au pire, ayant entendu toutes sortes d'histoires. Ce que j'ai découvert, c'est une équipe motivée en dépit de ses faibles moyens. J'ai confiance en eux, ces gars-là ne me décevront pas !"
Le rachat intervient deux mois avant la 1ère manche du championnat 2001 en Australie : "Ce fut une course effrenée, se rappelle Stoddart. A mon arrivée à Faenza, il n'y avait que des maquettes en bois de voitures prévues pour des blocs Supertec. En six semaines et trois jours, il a fallut construire et assembler les monoplaces, mais également les moteurs Cosworth. Nous avons travaillé sept jours sur sept, quasiment 24 heures sur 24. On dormait sur place à même le sol, on ne se changeait pas. Lorsque nous avons débarqué à Melbourne, la F1 d'Alonso avait effectué 50 kilomètres de roulage. Celle de Marques était en pièces détachées, nous l'avons monté dans le garage, et ses premiers tours de roues furent effectués lors de la 1ère séance d'essais libres. De la folie pure, mais nous l'avions fait ! La 12ème place décrochée par Fernando fut la récompense d'un effort héroïque, tout le monde était en pleurs."
Une saison vierge de tous points, sans le moindre sponsor extérieur. Pour 2002, les structures sont bien plus solides, la PS02 est une bonne monoplace. Mark Webber se hisse en 5ème position pour son Grand Prix national, un moment de bonheur indicible pour Stoddart et les siens. Les attentats du 11 septembre 2001 ont malheureusement eu un impact considérable, l'aviation subissant de plein fouet le contrecoup financier du terrorisme.
Par la suite, ce fut l'éternel règne de la débrouille avec un moteur dépassé, des pilotes payants, des annonceurs fantômes et des résultats anémiques. Mais Stoddart est un trublion têtu et ne se laisse pas marcher sur les pieds. Le plan de réduction des coûts en Formule 1 qui fait encore débat de nos jours, c'est lui ! Un négociateur hors-pair qui s'attirait les bonnes grâces de Bernie Ecclestone, si bien qu'il fut début 2005 autorisé à disputer les 1ères manches de la saison avec des monoplaces de 2004 en dépit d'une règlementation qui avait totalement changé !
"Minardi, confie Stoddart, véhicule l'image de l'éternel combattant de l'inutile, le traditionnel "underdog". Mais c'est aussi à mon sens, le deuxième favori de cœur de la majorité du public. Un team comme celui-ci aura toujours sa place en Formule 1, ne serait-ce que parce que pour un grand constructeur, il est impensable d'être en queue de classement. Le jours où tous les indépendants auront disparu, ce sera la fin de la Formule 1. Nous sommes fiers de ce que nous accomplissons. Les gens ne semblent pas comprendre que nous puissions insister sans jamais gagner, mais faire partie des dix écuries de Formule 1 au monde, au pinacle du sport automobile, c'est déjà une victoire. Et à moins qu'un bienfaiteur investisse massivement demain, nous ne pourrons pas faire mieux. Nous formons des ingénieurs, des pilotes. Combien de carrières ont été fusillées d'entrée par des garçons débutant dans une écurie de pointe ? Chez nous, on ne s'attend à rien, alors s'ils réussissent quoi que ce soit, ce sont des héros."
Mark Webber, qui était pilote Williams en 2005, avait alors déclaré : "Une rude école, mais la meilleure qui soit. Il y a là-bas des gens exceptionnels. Quand vous avez conquis leur respect, ils font n'importe quoi pour vous. Aujourd'hui encore, je ferais, moi aussi, n'mporte quoi pour eux."
Le bienfaiteur dont parlait Stoddart portera un nom : Dietrich Mateschitz. Le patron de Red Bull fera de Minardi un junior team renommé Toro Rosso, toujours basé à Faenza. Là aussi révélatrice de talents tels que Vettel ou encore Ricciardo, le pilote allemand apportera ses premiers lauriers lors d'un pluvieux Grand Prix d'Italie en 2008.
Renommée Alpha Tauri, une marque de prêt-à-porter là aussi propriété de Red Bull, Pierre Gasly fera résonner le cœur des italiens et des français remportant lui aussi le Grand Prix d'Italie dans une saison 2020 en pleine pandémie de covid-19.
Aujourd'hui, en 2024, la structure existe toujours sous le nom de Visa Cash Red Bull App avec Ricciardo et Tsunoda à leur volant. Les belles histoires sont à jamais éternelles...
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