Grand Prix des Nations - La paix par le sport devant le siège de l'ONU

 Alors que l'Europe était en pleine reconstruction, le sport automobile reprenais peu à peu sa place, et la tout juste nouvellement créée FIA allait organiser sa première course en collaboration avec l'Automobile Club de Suisse. Prévu fin Juillet, ce Grand Prix se tiendra dans le quartier des Nations à Genève, où se situe la Palais des Nations, siège de la Société des Nations depuis 1937 et de la nouvellement constituée Organisation des Nations Unies. Un symbole bien choisi donc pour le renouveau du sport automobile, deux organisations nouvellement constituées se réunissant au même endroit pour le sport et pour la paix!

Le circuit choisit avait déjà été utilisé en 1938 pour le Grand Prix de Suisse motocycliste, pour 1946, un grand meeting sur deux semaines était prévu avec différentes courses moto les 13 et 14 Juillet et les courses auto les 20 et 21!

Partant de l'Avenue de France, là où sera construit plus tard la Maison de la Liberté, le circuit tournait deux fois à droite au niveau de la Place des Nations, devant le siège de l'ONU pour emprunter l'Avenue de la Paix. Au bout de l'avenue, les pilotes devaient prendre à gauche du Monument d'Albert Thomas, en face du siège du Bureau International du Travail (aujourd'hui siège de l'OMC) pour ensuite tourner à droite sur la Rue de Lausanne. Après une courbe à droite puis à gauche à vitesse moyenne le long du Parc Mon Repos, les pilotes arrivaient à une épingle à cheveux faisant un demi-tour sur l'Avenue Mon Repos pour revenir vers l'Avenue de France. Au niveau de l'intersection entre la Rue de Lausanne et les Avenues de France et Mon Repos, une chicane avait été installée pour ralentir les voitures au niveau des rails de tramway.

Une grande partie des concurrents de la Coupe René le Bègue étaient de retour pour cette course, accompagnés d'autres pilotes et constructeurs de haut niveau pour un total de 26 participants!

Ainsi, Wimille et Farina étaient toujours chez Alfa Romeo sur la 158, épaulés cette fois par Achille Varzi, ancien pilote moto ayant remporté le Tourist Trophy 1924 avant de se reconvertir en auto avec succès à partir de 1928, et Carlo Felice Trossi, pilote rapide et ingénieur loufoque ayant conçu plusieurs modèles de voitures dont la Monaco-Trossi à moteur seize cylindres en étoile.

Pas d'autre Alfa Romeo, mais neuf Maserati, six 4CL et trois 6CM. Cette fois, les trois pilotes de la Scuderia Milano allaient être sur la 4CL, Luigi Villoresi remplaçant Arialdo Ruggeri aux côtés de Sommer et Nuvolari. Raph avait troqué sa 6CM contre une 4CL, les deux autres modèles étaient aux mains d'autres privés, l'anglais Reg Parnell encore peu expérimenté et le suisse Emmanuel de Graffenried, un habitué des places d'honneur en Grand Prix.

Harry Shell restait sur la 6CM familiale, les deux autres voitures, encore une fois privées, étaient engagées par les suisses Max Christen, un habitué des Grand Prix en Suisses, et Josef Vojlectovsky.

Seulement deux voitures françaises étaient engagées, deux voitures privées. Une antique Talbot 700 de 1926 aux mains du néerlandais Eric Verkade...

Et une Delage 15S8, elle aussi une vieille dame de 1927, pour David Hampshire qui avait débuté en Grand Prix peu de temps avant la guerre.

Principale marque anglaise présente en Grand Prix depuis les années 1930, ERA (English Racing Automobiles) arrivait avec une nouvelle spécification de son modèle Type D pour son pilote phare, le très expérimenté Raymond Mays.

Le modèle ERA le plus courant restait la Type B, avec six concurrents à son volant. Seul pilote officiel avec Mays, Leslie Brooke arrivait avec un solide palmarès en courses de côte. Les cinq autres voitures étaient privées, avec en favori le Prince Bira (de son nom complet Birabongse Bhanutej Bhanubandh), l'un des (très) nombreux membres de la famille royale siamoise et pilote émérite. Deux autres pilotes avaient des chances de bien figurer, Peter Whitehead et Bob Gerard, tout deux habitués aux places d'honneur en Grand Prix et particulièrement dans les courses anglaises. Enfin les deux dernières ERA étaient aux mains de Georges Bainbridge et Ian Connell.

Dernière voiture anglaise, la Alta de Georges Abecassis encore en plein développement et que le pilote allait étrenner pour la première fois en course.

Suivant un système rare aujourd'hui mais très présent à l'époque, en particulier sur les courses de niveau national avec beaucoup d'inscrits, la course était divisée en deux parties. Deux courses qualificatives de 32 tours avec la moitié des participants, les six meilleurs de chaque course étant retenus pour la finale de 44 tours entre les douze meilleurs participants. Les grilles des courses qualificatives était définies par les temps aux essais, et celle de la finale par les temps des courses qualificatives. Afin d'équilibrer les forces en présence, les marques sont réparties en avance de manière égale sur les deux courses.

Aux essais, les Alfa Romeo sont imbatables, Jean-Pierre Wimille signant le meilleur temps devant Farina et Varzi, seul Villoresi sur Maserati arrive a s'immiscer au 4ème rang devant Trossi! Héroïque, David Hampshire réussit à faire le sixième temps sur sa vieille Delage!

Dimanche, c'est sous une pluie fine que débute la première manche qualificative. Partit en pole sur la piste mouillée, Jean-Pierre Wimille disparait rapidement de la vue de ses adversaires et en à peine 20 tours, il mène avec au moins un tour d'avance sur tous les concurrents à l'exception de son coéquipier Achille Varzi et de Villoresi! Partit de la quatrième position, le Prince Bira réussit à se porter à la hauteur des Afa Romeo dans le premier tour sans pour autant réussir à les passer, mais malgré tout son talent, il ne tiendra pas longtemps sa place sur le podium, et en moins de dix tours sera dépassé par les Maserati de Villoresi et Parnell... Il se qualifie tout de même pour la finale, de même que Raymond Sommer! Wimille termine avec presque une minute d'avance sur Varzi et Villoresi, tout deux séparés de trois petites secondes. Deux Alfa Romeo, trois Maserati et une ERA passent cette première manche.

Au départ de la deuxième manche, la piste avait déjà séché. Au signal du départ, Tazio Nuvolari part comme une balle et prend la tête avant le premier virage devant l'Alfa Romeo de Giuseppe Farina. Carlo Felice Trossi partit deuxième rate complétement son envol et pointe au sixième rang. C'est encore pire pour David Hampshire. Miraculeusement placé en première ligne, il cale sur la grille et perd presque une minute à repartir! En tête, Nuvolari ne profitera pas longtemps de sa position rudement gagnée... Même si sa Maserati égale la vitesse des Alfa Romeo, ces dernières sont bien plus agiles dans les virage, et Farina gesticule derrière son rival à chaque virage, lui intimant l'ordre de le laisser passer! Au second tour, ce sera finalement fait, et il faudra dix tours à Trossi pour revenir sur Nuvolari et le passer à son tour. Plus personne ne reverra les Alfa Romeo, sauf pour se faire prendre des tours, seuls les trois premiers terminent dans le tour de Farina. Trossi à quarante secondes, Nuvolari à plus d'une minute! Le Mantovano Volante descend de sa Maserati furieux de ne pas pouvoir lutter avec les Alfa Romeo! Emmanuel de Graffenried, Raymond Mays et Georges Abecassis complètent le top six des qualifiés, deux Alfa Romeo, deux Maserati, une ERA et une Alta.

Pour la finale, les Alfa Romeo sont toutes les quatre aux quatre premières places devant quatre Maserati, deux ERA, l'Alta, et enfin la Maserati de Sommer. Cependant, Raymond Mays ne prendra pas le départ de la finale... La ERA est décidément complétement dépassée, même avec ses améliorations, et le britannique rentre chez lui avec en tête un nouveau projet automobile...

A une époque bien moins stricte, le départ se donnant à l'abaissement du drapeau national, les trois Alfa Romeo en première ligne anticipèrent très largement le signal sans être pour le moins inquiétés! Wimille s'élança comme pour la première manche qualificative, avec une large avance dès le premier tour devant Farina, Varzi, Sommer, Nuvolari, Trossi et Villoresi. Au virage du Monument d'Albert Thomas, Villoresi tenta de dépasser Trossi, mais ses freins lâchant il décollât des pavés et termina sa course dans une barrière de bois, cassant une de ses jambes dans l'accident. Juste derrière, Reg Parnell est surpris par l'incident et part en tête à queue et ne parviendra pas à repartir, son câble d'accélérateur étant sortit de son arbre!

Malgré son avance au départ, Wimille se fait vite rattraper par Faria, et les premiers tours sont marqués par la bataille des deux Alfa Romeo, Farina prenant même la tête au troisième tour avant de se faire à nouveau dépasser par Wimille! Derrière eux, Trossi était mal partit mais prouve encore une fois ses grandes capacités de pilote en doublant coup sur coup les Maserati de Sommer et Nuvolari. Pour Varzi, c'est la douche froide. Un temps troisième, il devra s'arrêter à plusieurs reprises pour remplacer ses bougies d'allumage, perdant plus de six tours au terme de la course...

Après plusieurs sueurs froides, Wimille et Farina prenant de gros risques, Alfa Romeo intime l'ordre à ses pilotes de geler les positions! Et il valait mieux, le dépassement des retardataires devenait de plus en plus compliqué au fur et à mesure qu'il avançaient dans le classement... Mais après avoir passé Nuvolari, Wimille est victime d'une "erreur de pilotage" de l'italien qui le pousse hors du circuit à la chicane! De nos jours, cette manœuvre aurait fait couler beaucoup d'encre, mais déjà à l'époque elle avait été pointé du doigt par les journaliste. Véritable erreur ou accident volontaire de l'italien frustré de ne pas pouvoir lutter avec les Alfa Romeo, le Mantouan a emporté la réponse dans la tombe...

Wimille a pu reprendre la course, mais perdant deux positions il se retrouve troisième derrière Trossi. Chez Alfa Romeo, on voit rouge, et même la direction de course s'indigne en donnant un drapeau noir à Nuvolari... Que l'italien va allègrement ignorer sans la moindre vergogne! Il sera d'ailleurs classé quatrième malgré cette disqualification formelle qui sera répétée à cinq reprises!

Finalement, après plus d'une heure de course sans autres incidents majeurs, Giuseppe Farina remporte le Grand Prix des Nations sur une Alfa Romeo imbattable devant ses coéquipier Carlo Felice Trossi et Jean-Pierre Wimille. Nuvolari quatrième sort particulièrement frustré de cette humiliation bien que meilleur pilote Maserati devant le suisse Emmanuel de Graffenried, tout les deux à deux tours du vainqueur! Sixième, le Prince Bira aura fait tout ce qu'il pouvait sur son ERA vieillissante.

Ainsi se terminait cette première course organisée par la FIA. Si l'organisation restait sommaire, tout était désormais présent pour faire renaitre le sport automobile en grandes pompes, et déjà un rendez-vous était donné en Septembre, à Turin. Une nouvelle réglementation était en préparation et allait changer à jamais le visage du sport automobile! En attendant, retrouvez les résultats complets du Grand Prix des Nations sur le Wiki: https://memoires-mecaniques.fandom.com/fr/wiki/1946_Grand_Prix_des_Nations

Neet for Speed

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