Grand Prix d'Allemagne 1957 - "Tu te prends pour Fangio ?"
Après Guiseppe Farina, Juan Manuel Fangio devint le deuxième champion du monde dans l'histoire de la Formule 1, et il fixera d'ailleurs un record de cinq titres qui ne sera égalé qu'en 2002 par Michael Schumacher puis battu l'année suivante également par Schumacher. Fangio figure incontestablement au panthéon du sport automobile.
Né le 24 juin 1911, Fangio a depuis très jeune baigné dans l'univers du sport automobile. Dès l'âge de 11 ans il est apprenti mécanicien dans un garage de Balcarce (sa ville de naissance) où il prépare des voitures de course. Il est engagé à l'âge de 16 ans par la concessionnaire Ford puis Studebaker et se voit même confié l'essai de nombreux modèles. En 1929 il effectue ses débuts en sport automobile en qualité de copilote.
Entre 1939 et 1942 Fangio prend part aux carreteras, des courses routières se déroulant sur plusieurs milliers de kilomètres. Il sera titré en 1941 et 1942. Au sortir de la seconde guerre mondiale, le général Juan Perón lance les temporada, des courses organisées sur circuit pendant l'été austral où s'affrontent les meilleurs pilotes. Fangio y remporte de nombreux succès s'attirant le respect de grands noms tels que Varzi, Wimille ou encore Villoresi.
En 1948, au hasard d'un voyage de reconnaissance des circuits européens, Fangio se retrouve propulsé à disputer son premier Grand Prix de Formule 1, lors du Grand Prix de l'A.C.F, remplaçant au pied levé Maurice Trintignant au volant d'une Gordini. Course qui se solda par un abandon. Après de nombreux succès en Europe lors de l'année 1949, Fangio se voit confié de manière officielle un volant chez Alfa Romeo pour disputer le premier championnat du monde en 1950. 24 succès, 5 titres assortis de nombreux podiums, pole positions et meilleurs tours viendront couronner sa brillante carrière.
Pour ce que j'estime être sa plus belle victoire parmi ses 24 remportées dans le cadre du championnat du monde de Formule 1, j'ai choisi sa 24ème et dernier lors du Grand Prix d'Allemagne 1957 disputée sur l'impressionnant circuit du Nürbürgring, surnommé 'L'enfer vert".
6ème manche sur 8 que compte ce championnat du monde 1957, Fangio pourrait s'adjuger le titre de champion du monde s'il remporte cette course, peu importe l'issue des deux dernières manches du championnat qui se dérouleront en Italie, sur les tracés de Pescara et Monza. Seul prérequis, que son adversaire direct, Luigi Musso, ne termine pas mieux que 4ème.
A cette époque, ce Grand prix d'Allemagne se dispute donc sur un circuit qui impressionne par ses chiffres : 22 kilomètres, 170 virages, un dénivelé de 300 mètres et une moyenne de presque 150 km/h pour les meilleurs. Autant dire que la moindre faute, la moindre erreur peut se solder par un accident dramatique. La piste ayant été resurfacée, les records devraient tomber.
Dès le vendredi, lors de la 1ère séance de qualifications, Fangio s'assure un temps lui octroyant la pole position, sa Maserati 250F réagissant très bien aux dénivellations du tracé de l'Eifel avec de nouvelles suspensions renforcées dites "Lightweight". Son temps de référence de 9min 25sec et 6 dixièmes à plus de 145 km/h de moyenne ne sera pas battu le samedi. Son rival au championnat Musso est relégué à plus de 17 secondes...
Pour la course, Maserati tente une stratégie osée. En effet le réservoir des 250F ne sera rempli qu'à moitié afin de creuser l'écart en début de course, afin par la suite de remonter lors de l'arrêt ravitaillement prévu et exploiter une monture de pneus neufs pour combler le retard engendré.
Au départ, Fangio ne prendra aucun risque et laissera les deux Ferrari de Hawthorn et Collins le dépasser. A la fin de la première boucle, Fangio pointe à deux secondes des deux Ferrari, suivi par Behra, Moss et Musso auteur d'un excellent départ. Derrière ces six là, l'écart est déjà creusé.
Au 2ème tour, Fangio passe à l'attaque et reprend déjà 3 secondes sur les deux Ferrari ! Et au 3ème tour, Fangio avale les deux Ferrari et creuse déjà un écart de 6 secondes. Fangio est littéralement sur une autre planète et compte 28 secondes d'avance à la fin du 8ème tour. Une échappée fantastique.
Son ravitaillement se rapprochant, Fangio temporise et se contente de gérer son écart creusé ainsi jusqu'à mi-course, son avance sur les deux Ferrari roulant de concert est alors de 31 secondes. Juste avant de s'arrêter le pilote argentin accélère de nouveau et signe un tour sous la barre des 9min 30sec.
Les deux Ferrari s'arrêtent, Fangio entre dans la voie des stands le premier étant en tête, la moindre erreur remettrait en cause toute chance de succès du pilote argentin. Il descend tranquillement pour se rafraîchir le visage et se désaltérer. Les mécaniciens se gènent dans un grand tohu-bohu, égarent un écrou de roue sans lequel il ne peuvent laisser la Maserati repartir. Fangio reprend ainsi la piste avec... 40 secondes de retard mais reste parfaitement calme !
Cependant Maserati jouera un excellent coup de malice en feignant avoir un problème, en accord avec leur directeur technique, ainsi les Ferrari ralentiront pensant avoir le doublé assuré. Les deux Ferrari ignorent où se trouve Fangio, ils savent juste qu'ils sont en tête. Pendant deux tours Fangio roulera presque au ralenti, ce que le panneauteur de chez Ferrari, Tavoni constatera, et tombant dans le piège, intimera aux deux Ferrari de ralentir afin d'assurer le résultat. L'écart avec Fangio est alors de 48 secondes. Même en roulant modestement, le pilote argentin leur reprend déjà 3 secondes...
16ème tour sur 22, Bertocchi fait signe à Fangio, et passé la courbe sud, il attaque en trombe et reprend presque 15 secondes ! Devant Hawthorn fait signe à Collins de le rejoindre assurés que leurs rivaux ont des problèmes. La longueur du tracé fait que près de 10 minutes sont nécessaires afin de transmettre de nouvelles informations aux pilotes, pas de radio à l'époque !
Tavoni finit par flairer le piège et avertit ses pilotes, Fangio a encore repris 8 secondes, puis les deux pilotes Ferrari se remettent à attaquer à fond... Fangio continue à remonter en trombe, l'écart n'est plus que de treize secondes, il reste alors que trois tours... Et là, Fangio signe un chrono en 9min 17sec, établit un record absolu sur ce circuit, les deux Ferrari sont désormais à sa merci !
Au prix de deux manoeuvres imparables, Fangio dépasse les deux Ferrari, et pointe avec 3 secondes d'avance lors de l'avant dernier tour, il s'envole vers sa 24ème victoire et dernière victoire, son 5ème titre de champion du monde. La course de Fangio et des deux Ferrari éclipse totalement la concurrence reléguée à près de 4 minutes !
A sa descente de voiture, Fangio, épuisé nerveusement, déclare : "Je pense que j’étais possédé aujourd’hui. J’ai fait des choses au volant que je n’avais jamais faites, et je ne veux plus jamais conduire comme cela."
Fangio dispute une dernière saison en 1958 et quitte définitivement la Formule 1 au bout de deux courses achevées à la 4ème place. Lors de son dernier Grand Prix en France Mike Hawthorn à qui on demanda pourquoi ce dernier n'avait pas dépassé Fangio alors retardataire, celui-ci répondra : "On ne prend pas un tour à Fangio." Cette phrase illustre à quel point Fangio était un pilote respecté par ses pairs.
Fangio reste présent dans le monde la Formule 1 après sa carrière, nouant notamment de forts liens avec le pilote brésilien Ayrton Senna. Jusqu'au début des années 90 il participe à des manifestations de voitures historiques.
Son décès le 17 juillet 1995 est vécu par le peuple argentin comme une vraie déchirure, 3 jours de deuil seront décrétés. Il est inhumé à Balcarce. Le triple champion du monde de Formule 1 Jackie Stewart viendra assister à son enterrement.
Cladounnet








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