Panhard & Levassor - Deux noms pour une marque de légende
Dans la longue histoire de l'automobile française, il y a un nom qui résonne toujours aujourd'hui comme l'ancêtre de toutes, celle qui a ouvert la voie aux marques modernes. Nos grands-parents en parlaient souvent, c'était peut-être leur première voiture, c'était peut-être la voiture de leurs parents. Et ce nom, c'est Panhard-Levassor!
Mais avant la marque, il y a eu les hommes et leurs histoire, et on va commencer par le premier d'entre eux, René Panhard. D'origine bretonne, la famille Panhard s'était installée à Paris en 1800, quand François-René Panhard vient travailler comme sellier à la capitale. Devenant carrossier, il aura un fils, Adrien qui devint homme d'affaire, composant une petite fortune grâce à la location de voitures hippomobiles souvent fabriquées par son père!
C'est sous ces bonnes auspices que René Panhard né le 27 Mai 1841 dans le 9ème arrondissement de Paris. Entre 1861 et 1864, il fera l'Ecole Centrale de Paris avec succès puis entra en tant que cadre dans la société Périn spécialisée dans les machines à bois et les roues. Il s'associera finalement avec Jules Périn pour fonder une nouvelle entreprise, la maison Périn-Panhard. Durant cette période, le jeune homme d'affaire et ingénieur se fait remarquer du Tout-Paris et devient chevalier de la légion d'Honneur en 1878, année où il sera aussi membre du jury de l'Exposition Universelle. Mais en 1889, Jules Périn meurt mettant fin à la société Périn-Panhard...
Le 21 Janvier 1843 nait Emile Levassor à Marolles-en-Hurepoix, dans l'Essonne. Fils d'un fermier propriétaire, le jeune Emile montre très vite de l'intérêt pour les métiers de l'ingénierie. Précoce, il entre à l'Ecole Centrale de Paris en1861. Il y rencontrera un garçon de 2 ans son ainé, René Panhard. Tout deux décrochent leur diplôme la même année, en 1864. Il s'engage alors en tant qu'ingénieur en sidérurgie chez Cockerill en Belgique mais garde contact avec son condisciple, et en 1872 il devient actionnaire à 10% de la société Périn-Panhard. Emile s'intéresse tout particulièrement aux systèmes de motorisation, et grâce à ses conseils, une partie de la production Périn-Panhard se mécanise à l'aide de moteurs à gaz. A la mort de Jules Périn en 1889, René Panhard et Emile Levassor s'associent alors à parts égales pour transformer Périn-Panhard qui devient Panhard & Levassor dont la production se spécifie dans la machinerie du bois.
A l'époque, le monde de l'ingénierie est bien petit, beaucoup d'ingénieurs se connaissent même à l'international, et la société Panhard & Levassor tout juste créée, un troisième homme prend contact, Edouard Sarazin, représentant en France du producteur de moteurs à gaz Gottlieb Daimler! Sarazin décédera malheureusement la même année, mais le contact était fait, et les tractations étaient menées avec Daimler. Au départ, l'idée de Levassor était d'améliorer l'efficacité de ses machines avec le déjà populaire moteur Daimler Type P à essence, mais Gottlieb avait d'autres projets.
L'allemand avait déjà avec succès développé de nombreuses utilisation de son moteur dans l'automobilisme. Voitures, cycles, bateaux, trains et même aéronefs, mais sans industriel pour la fabrication à grande échelle, tout ces projets étaient voués à l'échec, d'autant que de nombreux concurrents arrivaient sur le marché. Profitant donc de l'aubaine d'avoir une jeune entreprise avec à sa tête un spécialiste du carrossage et un ingénieur sidérurgiste, il voit là l'opportunité de développer sa propre entreprise, et en 1890, Panhard & Levassor obtient le brevet du moteur Daimler avec pour mission la production de voitures à pétrole! Cependant, Emile Levassor est un perfectionniste, et cherche le meilleur pour son automobile, la production sera lancée plus tard quand l'automobile Panhard & Levassor sera "parfaite"!
En 1890, le jeune industriel Armand Peugeot vient dans les usines P&L avec un quadricycle bien plus léger que le carrosse qu'ils étaient en train de mettre au point, le quadricycle Peugeot allait être pris très au sérieux et le moteur Daimler installé, Levassor remarqua un défaut d'importance, les brûleurs fonctionnant de façon irrégulière empêchaient un couple optimal. Le deux prototypes plaisaient cependant à Daimler qui donna carte blanche au duo français pour créer "la meilleure automobile jamais conçue".
Le premier "carrosse" Panhard & Levassor resta aux usines comme base de travail et le quadricycle Peugeot fût vendu à un aristocrate suédois. Levassor, travaillant d'arrache-pied pour améliorer le système de combustion, déposa le 24 Août 1891 le brevet de l'allumage par incandescence, toujours utilisé aujourd'hui dans les voitures thermiques! A partir de là, tout s'est enchaîné rapidement. Trente automobiles sont fabriquées en quatre mois et cinq sont vendues en 1892. L'industrie automobile et la concession automobile étaient nées. Tout ceci sera optimisé bien plus tard par Henri Ford, mais les bases étaient là, et Panhard & Levassor entraient à la postérité comme étant la première production automobile massive!
Mais toutes ces innovations ne rendaient pas l'entreprise au dessus des autres, cela leur donnait juste un avantage, et les frères Peugeot ont rapidement emboité le pas de Panhard & Levassor en proposant non seulement une production de masse, mais aussi différents modèles adaptés à chaque situation familiale! Et c'est ici que l'art de la communication entre en jeu. Publicité dans les journaux, véhicule de démonstration circulant quotidiennement dans chaque quartier de Paris, et surtout, la compétition! Après tout, comment choisir entre une Peugeot et une Panhard & Levassor sinon en déterminant laquelle des deux sera la plus fiable pour partir en villégiature à Rouen, au Touquet, à Lyon, voire même jusqu'à Bordeaux ou Marseille! Et en 1894, le Petit Journal sous l'initiative de Pierre Giffard dit "Jean-sans-Terre" organisa une grande manifestation automobile, le Concours des Voitures sans Chevaux qui allait voire s'affronter dans une épreuve de classe, de vitesse et de fiabilité les automobiles. Et bien que les Peugeot se montraient plus rapide, le jury décida de partager le premier prix entre les deux rivaux!
René Panhard ne se sentant pas de risquer sa santé dans cette entreprise folle qu'était la course automobile, c'est son fils Hippolyte né en 1870 qui prenait le volant, Levassor de son côté conduisait régulièrement en compétition, hélas lors de la course Paris-Marseille-Paris le 27 Septembre 1896, il aura un accident en tentant d'éviter un chien qui traversait la route. Grièvement blessé au visage, il restera convalescent plusieurs mois... Il reviendra sur sa planche à dessins, mais toujours très diminué il ne sortira que très rarement de chez lui ou de son atelier, et le 14 Avril 1897, alors âgé de 54 ans, il est retrouvé décédé sur sa planche à dessins des suites de son traumatisme crânien. Il sera nommé chevalier de la légion d'honneur à titre posthume et plusieurs monuments à son nom seront érigés autour de Paris.
René Panhard ne se relèvera jamais de la perte de son ami. Son fils Hyppolyte reprendra rapidement la tête de l'entreprise qui se développa dans l'industrie de la voiture de luxe, devenant au passage la première industrie automobile à la chaîne de France et même du Monde avant qu'Henri Ford n'optimise la production en 1908. La chaîne de production Panhard qui se fera entendre même dans les hautes sphères du pouvoir, jusqu'au ministère de la défense qui proposera un contrat avec les usines pour la construction de véhicules militaires. Aujourd'hui encore, la division Panhard Défense reste l'un des principaux fournisseur de l'armée de terre, plus d'un siècle après l'ouverture de la première usine!
Hyppolite et son cousin Paul Panhard reprirent l'entreprise à la mort de René le 16 Juillet 1906, l'industrie Panhard s'était alors définitivement éloignée de la compétition, se concentrant sur l'industrie automobile de luxe et sur son secteur militaire. L'entreprise perdurera longtemps, traversant deux guerres et la crise des années 30 avec toujours cette réputation luxueuse avant de perdre en vitesse dans les années 50. La Panhard Dyna était pourtant un modèle populaire, mais le décès de Hyppolite en 1957 combiné à une gestion complétement dépassée de l'entreprise par Paul conduira à la vente de l'entreprise à Citroën en 1965. Malgré les tentative de Jean Panhard, fils de Paul, les usines d'Ivry fermeront définitivement leurs portes en 1967, laissant derrière elles plus de 50 ans d'histoire de l'automobile. Le secteur militaire continuera mais sans aucun lien avec l'automobile civile.
Je reviendrai plus tard sur la période post-1918, mais il me semblait important de parler de l'origine de cette marque qui aura fait rêver beaucoup de nos aïeux durant l'entre-deux guerre et même dans les années 50! Panhard ne signifie plus grand choses de nos jours, sauf chez les militaire, mais cette marque a fait entrer l'automobile dans la modernité en France comme dans le monde, et j'en reparlerai à de nombreuses reprises.
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