Léon Théry - Le Chronomètre français

 A l'ère des pionniers, quand les pilotes se nommaient encore des "chauffeurs" et quand le terme de sportif commençait tout juste à se faire une place dans le langage courant pour parler de ces fous du volant, il y a un nom aujourd'hui oublié qui a défini l'art du pilotage. Avant Hamilton, Schumacher, Senna, Fangio, Nuvolari, le premier d'entre eux était Léon Théry, dit le chronomètre, et c'est à lui que l'article du jour est dédié!

Né le 16 Avril 1879 à Paris dans le 10ème arrondissement de Paris, fils de Louis Eugène Théry, graveur de son état, le jeune Léon était rapidement imprégné par la culture parisienne, baigné par la révolution industrielle dans ses jeunes années. Rapidement intéressé par l'industrie et en particulier la mécanique, il ne pars pas vers les études "classiques" du Tout-Paris vers les universités, mais s'engage directement chez les ingénieurs en tant que mécanicien.

Tout juste diplômé du brevet élémentaire, il devient donc mécanicien, un métier en pleine expansion, mais s'implique plus que d'autres, et en 1894, il assiste à l'exposition universelle de Lyon. Lors de cet évènement, un exposant dénote des autres avec sa création, le pneumatique. Les frères Michelin arborant une pile de pneus avec leur slogan "Nunc est bibendum" (trad: "maintenant il faut boire"), "Le pneu Michelin boit l'obstacle!" (Promis, il y aura un article sur Michelin!).

En 1898, à l'âge de 19 ans, il s'embarque auprès des chauffeurs en tant que mécanicien à la course Paris-Amsterdam-Paris en 1989. Le jeune homme plein de fougue voit alors André Michelin et l'interpelle: "Voilà Bibendum, vive Bibendum!", une remarque innocente mais qui fera date et encrera le Bibendum Michelin dans la culture populaire alors que le personnage était tout juste créé!

A partir de 1899, après quelques années d'observation, Théry met son expérience au service de Decauville et participe à plusieurs courses de voiturettes, des petites voitures moins puissante que les "voitures lourdes", mais qui lui ont permis de se démarquer de la concurrence. Il remporte la Coupe des voiturettes 1900 face à tout les jeunes chauffeurs de l'époque!

Mais en voiturettes, Théry aura eu son petit succès. Deuxième au Tour de France 1899 dans sa catégorie et au critérium des voiturettes, remportant le Richmond Motor Show outre-Manche ainsi que la course de côte de la Turbie en 1900. Il participe aussi aux grandes courses de l'époque: Paris-Bordeaux, Paris-Vienne, Marseille-Nice-la Turbie... Toujours bien positionné en catégorie voiturettes.

En 1902, lors de Paris-Vienne, il termine la course alors qu'il est tombé de sa voiture dans le col de l'Arlberg à près de 50km/h! En 1903, il atteint Bordeaux en s'évanouissant de fatigue en tentant de battre un record de vitesse dans sa catégorie au point d'atteindre l'amnésie! Le jeune homme de 23 ans montre sa volonté de bien faire et de battre des records!

Léon Théry devient rapidement connu, en particulier avec sa documentation méthodique des parcours. Pouvant se préparer plusieurs mois en avance pour une course, repérant chaque bosse, chaque gouttière, chaque changement de revêtement. Son expertise mécanique est aussi en jeu puisqu'avant chaque course il prenait méthodiquement les spécifications des moteurs adverses, leur endurance, leurs faiblesses, mettant à jours ses informations à chaque courses... Jusqu'à éditer son "journal de course" arraché par les journalistes et contenant toutes les informations utiles jusqu'aux pneumatiques à utiliser pour tel ou tel parcours!

Il ne faudra pas beaucoup de temps pour qu'il soit mis en relation avec les grands industriels, et rapidement l'entreprise Richard-Brasier décide de le prendre sous son aile en tant que mécanicien-ingénieur-chauffeur, l'expertise du jeune homme n'étant plus à prouver! Et en 1904, le jeune homme timide, un peu bourru, devient le pilote principal de l'écurie Richard-Brasier! Sous l'égide du constructeur, il remporte coup sur coup la Coupe des Ardennes à Bastogne, les Eliminatoires de la Coupe Gordon Bennett et la Coupe elle-même! Félicité par le Kaiser Guillaume II, faisant pâle figure face à l'auguste seigneur, il devient pourtant le plus grand chauffeur au monde!

A ce moment c'est la consécration! De retour à Paris, l'humble mécanicien est acclamé aux terrasse et voit sa prime de l'ACF triplée, ainsi que celle de ses mécaniciens. Il reçu à cette occasion le surnom du "chronomètre", en effet, sur un tour de 127km, les français est toujours resté à environ 1h25 à cinq minute près lors des quatre tours de la course! Immédiatement après, il part aux Etats-Unis avec Charles-Henri Brasier pour un gala et une démonstration de ses talents de pilotage. Avant de se préparer pour 1905...

Direction l'Auvergne, sur le circuit de la Montagne d'Auvergne, aussi nommé Circuit Michelin, un nom bien connu de Léon! Tout les constructeurs français étaient présent pour des éliminatoires qui allaient déterminer sui défendrait les chances de la France lors de la Coupe Internationale qui allait se dérouler sur le même circuit... Et grâce à sa documentation méticuleuse sur plusieurs mois, Léon Théry connaissait chaque mètre du parcours auvergnat de 127 km! Et c'est finalement sans réelle surprise que le chauffeur de 26 ans s'imposait lors des éliminatoire, puis lors de la course malgré pourtant la formidable concurrence italienne de FIAT, et en particulier de Vincenzo Lancia, le pendant italien de Théry!

Suite à ce double succès, confiant dans ses capacités de pilote et d'ingénieur, Théry se lance dans la tâche ardue de créer sa propre entreprise automobile... Pendant deux ans, il travaillera dur, hors de la compétition pour construire un capital suffisant, travaillant bien souvent pour le journal "La Vie au Grand Air", ce qui lui permettait de rester dans le milieu de la compétition. Mais malgré tout ses efforts, son entreprise fût un échec, et c'était sans compter une maladie rénale qui commençait lentement à le diminuer...

En 1908, Brasier lui demandait de revenir à la compétition malgré sa maladie, Théry accepta sans condition cette ultime corrida! A Dieppe, pour le Grand Prix de l'ACF, Théry semblait revenir d'entre les morts après presque trois années d'absence, et la foule était en émois à ce retour, tant chez les concurrents que chez les spectateurs assidus. Brasier l'accueillant sur sa première voiture sur les trois engagés, et l'ACF lui accordant même l'affiche avec sa Brasier rouge!

Malheureusement, ce retour à la compétition se solda par un abandon à l'avant-dernier tour de la course sur crevaison alors qu'il se battait pour la tête face aux allemands. Une triste fin de carrière pour le pionnier de la course automobile française et le premier réel pilote automobile au sens moderne de terme! Finalement, après avoir travaillé quelques mois auprès des frères Michelin afin d'augmenter les performances et la résistance du pneumatique "bibendum", il rentra à son domicile du 17ème arrondissement de Paris...

Le 8 Mars 1909, alors à l'approche de ses trente ans, le toujours jeune Léon Théry décédait d'albuminurie en lien avec la tuberculose rénale qui le diminuait depuis plus d'un an... Il sera finalement inhumé le 11 Mars au cimetière du Père-Lachaise, entouré de sa famille, ses amis et plusieurs membres de l'ACF. Lui qui avait été salué par le président Emile Loubet en 1905 resta un temps connu comme le Chronomètre, le Champion de France avant d'être peu à peu oublié des mémoires. Sa tombe reste encore un monument du Père-Lachaise pour tout amateur de l'histoire du sport automobile.

Pour les amateurs de l'ère des pionniers, Léon Théry restera un des plus grands. En moins de dix ans, il participa à quatorze course, en remportant six. Ce nombre semble bien faible à une époque où une saison de Formule 1 comporte 24 Grand Prix, mais à une époque où une course se préparait pendant plusieurs mois, il faisait partit de l'élite! Une élite aujourd'hui oubliée, mais qu'il est bon de se remémorer à l'occasion car sans eux, le sport automobile que nous connaissons n'aurait jamais existé.

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