Camille Jenatzy - Le premier champion belge

 Aujourd'hui, quand on parle de pilote automobile belge, les premiers noms à venir seront certainement Stoffel Vandoorne, Thierry Neuville ou Jackie Ickx. Il y a un demi-siècle, on parlait volontiers de Willy Mairesse, Lucien Bianchi ou Olivier Gendebien, mais même avant, le sport automobile belge avait ses têtes d'affiche! Pierre de Caters, Pierre de Crawhez ou Maurice Augières couraient déjà au début du siècle dernier! Et c'est d'un de ceux-ci dont on va parler aujourd'hui, Camille Jenatzy.

Né le 7 Décembre 1868 à Schaerbeek, dans la banlieue Nord de Bruxelles, Camille est le fils de Constantin Jenatzy, fabricant d'objets en caoutchouc, joints ou pneumatiques notamment, il se retrouve donc rapidement dans le milieu de l'ingénierie et suit donc des études d'ingénieur dans la capitale belge. Durant ses études, il se prend de passion pour une énergie nouvelle en laquelle beaucoup voient l'avenir, l'électricité. Et c'est avec cette énergie nouvelle que Jenatzy décide de concevoir un premier véhicule automobile en reprenant les travaux de Gustave Trouvé, qui avait construit en 1880 la première automobile électrique.

C'est à Paris, la capitale de l'industrie moderne, que Jenatzy décide de s'installer avec pour but de fabriquer et vendre des fiacres électrique. Face à lui, d'autres technologies se développaient. La vapeur avec pour défaut un poids très lourd, mais une très bonne traction; le moteur à explosion plus léger mais incapable pour le moment de tracter des lourdes charges; les moteurs hydrauliques à haute pression qui demandaient des charges régulières mais qui se montraient particulièrement efficaces sur les courtes distances... Et même en électrique, un autre fabricant faisait déjà parler de lui, Charles Jeantaud, qui avait lancé la première entreprise d'automobiles électriques en 1893... Il fallait donc pour Jenatzy trouver un moyen de se démarquer, et pour lui la meilleure solution était de prouver la performance de son moteur électrique par la compétition!

Il remporte sa première course en 1898 lors de la course de côte de Chanteloup disputée en Novembre à Chanteloup-les-Vignes, au Nord-Ouest de Paris. Un parcours long d'1,78km avec une moyenne de pente de 12% qui était un défi pour la plupart des participants!

Fort de cette victoire, Jenatzy entreprend un nouveau projet, celui de la vitesse et est déterminé à construire la première automobile à dépasser les 100km/h! Mais à nouveau, il se frotte à la rivalité de Charles Jeantaud. Le 18 Décembre 1898, Gaston de Chasseloup-Laubat participe à un concours organisé par le journal France Automobile dans le parc d'Achères. Le "Record de Vitesse" rassemblait plusieurs participants cherchant à déterminer qui était le plus rapide sur une ligne droite de un kilomètre départ lancé. Au volant de sa Jeantaud Duc, Chasseloup-Laubat roulera à 63,15km/h de moyenne! Il s'agira du premier record de vitesse officiellement recensé pour une automobile, et qui plus est, une automobile électrique!

Un mois plus tard, le 17 Janvier 1899, Jenatzy arrive à Achères avec la même voiture qu'à Chanteloup, mais améliorée. Dans les mêmes condition que son rival, il atteindra la vitesse de 66,66km/h, battant donc le précédent record, mais il ne s'agissait là que d'un test destiné à engranger les informations suffisante pour sa future tentative. Déjà, afin d'améliorer sa vitesse, Jenatzy se penche en avant pour réduire sa prise au vent et gagner les quelques petits kilomètres par heure nécessaires.

Jeantaud n'attend pas le retour de son rival et revient rapidement prendre sa revanche sur le belge, mais sachant les prétentions de son adversaire, il s'y prépare mieux et construit un nouveau carénage spécial pour sa Duc, plus léger, mais surtout profilé, toujours dans le but de réduire la prise au vent, avec un moteur encore un peu plus puissant. Et le record tombe de nouveau le 4 Mars avec une vitesse de 92,78km/h! Un échec pour les 100km/h, mais quel progrès!

A ce moment, Jenatzy se met sur sa planche de travail. Jusqu'ici, toute la compétition se faisait avec des véhicules "utiles", utilisables tant pour la course que pour la vie de tout les jours. Et bien que le record était tombé sur un véhicule "spécial", la base était bien une Duc "classique". Il travaillera presque sans s'arrêter pendant plus d'un mois, au point de faire enrager sa femme, sur une machine capricieuse. Les deux moteurs électriques surchargeant constamment, et la voiture montée sur petites roues était très inconfortable. Mais après plusieurs semaines de mise au point, l'engin était prêt, et cette fois Camille en était certain, il allait passer la barre des 100km/h! Si tout ses collaborateurs étaient euphoriques à cette perspective, madame Jenatzy continuait de grimacer... C'est sans doute en référence à son caractère que la capricieuse machine sera nommée "La Jamais Contente"!

Le 29 Avril 1899, les spectateurs sont témoin d'une image incroyable. Un véritable obus posé sur roue allait s'apprêter à dépasser les 100km/h, une voiture entièrement préparée uniquement pour ce record sans aucune autre utilité, le "prototype parfait" pour l'époque. Aux environs de onze heures, la voiture s'élance, passe le premier point de chronométrage, et 34sec plus tard passe la ligne d'arrivée. Le résultat est sans appel, avec une vitesse de 105,88km/h est le premier à dépasser la barre symbolique des 100km/h! Il faudra même attendre 3 ans pour voir ce record tomber avec Léon Serpollet qui dépassera les 120km/h.

Malgré ce succès, l'industrie de Jenatzy ne décollera pas vraiment, et malgré une autre victoire à Chanteloup en fin d'année, toujours avec un modèle électrique, il décide finalement de mettre un terme à son entreprise et se tournera entièrement vers le pilotage en tant à la fois courreur et ingénieur de talent.

En parallèle du développement de ses voitures, il conduira pour le constructeur Mors à plusieurs rallyes à partir de 1897. Sans victoire il se fera tout de même un nom en accumulant de bons résultats et sera vite considéré comme un concurrent sérieux et populaire auprès des amateurs d'automobile.

En 1900, il est appelé par le constructeur Léon Lefèbvre afin de préparer ses voitures "Bolide" en vue d'ouvrir une nouvelle usine en Belgique sous le nom de Snoeck-Bolide. C'est avec ces voitures que le belge continuera donc un temps sa carrière de pilote et d'ingénieur remportant la course de côte de Malchamps (près de Spa en Belgique) et le Critérium de Provence la même année. Il participera également à la première Coupe Internationale mais abandonnera, transmission cassée.

Peu satisfait par les performances de la voiture, il prend en 1902 la direction de l'Allemagne et s'allie au constructeur Mercedes avec qui il vivra la période la plus victorieuse de sa carrière puisqu'en 1903 il remportera la Coupe Internationale Gordon Bennett en Irlande face aux pilotes britanniques et français pourtant favoris, faisant de l'Allemagne la troisième nation à remporter la Coupe. En 1904, dans le massif du Taunus, il terminera deuxième de la course non sans avoir livré une formidable bataille avec le français Léon Théry et sa Richard-Brasier. Malheureusement, en 1905, il abandonnera à mi-course sur bris de suspension alors qu'il roulait derrière les FIAT et surtout un Théry toujours plus rapide.

En 1906, Camille sentait qu'une nouvelle génération de coureurs allait le dépasser, mais il continuait tout de même, toujours chez Mercedes avec qui il participera à de nombreuses courses, dont les deux premiers Grand Prix de l'ACF. Il déclarera d'ailleurs qu'un jour "il mourrait à bord d'une Mercedes". Il ne remportait plus de courses, mise à part quelques courses de côtes, mais conservait un bon coup de volant. Malgré quelques piges chez Mors, donc le troisième Grand Prix de l'ACF en 1908, il conservait ses liens avec Mercedes, comme en 1909 quand il atteignait les 200km/h sur la plage d'Ostende, dix ans après, son exploit paraissait déjà si lointain!

Mais en 1908, quand Constantin Jenatzy décédat, Camille repris la fabrique de caoutchouc. Il continuait à courir de façon ponctuelle, mais même avec un coup de volant toujours aussi efficace, son esprit était plus pris par les affaires que par la compétition, et son nom se fit de plus-en-plus rare dans les listes d'engagés.

Le 8 Décembre 1913, à Habay-la-Neuve près du Luxembourg, Jenatzy participait à une partie de chasse avec plusieurs amis Alfred Madoux, directeur du journal L'Etoile Belge. Pour faire une farce à Madoux, il s'approcha de lui par derrière en faisant des bruits d'animaux... Madoux se retourna et tira, se rendant compte trop tard que ce n'était pas un animal. Embarqué dans la voiture de Madoux, une Mercedes encore une fois, Camille Jenatzy se vida de son sang sur la route de l'hôpital et mourra à l'âge de 45 ans sur ce bête accident. Il sera mis en terre dans sa ville natale où il avait repris l'affaire de son père.

L'histoire se souviendra de lui comme étant le premier homme à dépasser les 100km/h sur terre, la jamais contente entrant dans la postérité étant de plus une voiture électrique, et sa victoire lors de la Coupe Gordon Bennett en fera le champion de l'Allemagne, mais aussi de la Belgique. Un aventurier, un pionnier qui malgré son caractère bien trempé aura su se faire une place à part dans la postérité!

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