Joseph Cugnot et le Fardier

 Bonjour à tous! Suite à mon billet de la semaine dernière sur la question de la première automobile, il est temps de passer à ce fameux Fardier, appelé aussi le Char à Feu, conçu par l'ingénieur militaire Joseph Cugnot. Mais avant, quelques mots sur l'homme.

Né le 25 Février 1725 à Void, dans la Meuse, de parents agriculteurs, Nicolas Joseph Cugnot quittera très vite le foyer familial pour s'orienter vers des études militaires à l'école de Génie Royal de Mézières, dans les Ardennes. La Lorraine étant alors rattachée au territoire autrichien, il entre dans l'armée impériale et devient officier en 1745 à l'âge de vingt ans.

Alors résident à Vienne, il passe sous le commandement du Général d'Artillerie français Jean-Baptiste Gribeauval, prêté par Louis XV dans le cadre de la guerre contre la Prusse, et fait la connaissance de l'ambassadeur du Roi Etienne-François de Choiseul. Montrant un certain tallent pour l'ingénierie militaire, il sera vite remarqué par l'état major français.

Baladé par ses obligations militaires, il se rend à Bruxelles dans le cadre des alliances du Roi où il sera en charge de projets de fortifications d'engin de guerre, comprenez la création de proto-blindés. Il sera libéré de ses obligations en 1763 à l'âge de 38 ans, non sans avoir inventé et breveté un tout nouveau fusil de cavalerie pour lequel il recevra une pension annuelle de 600 livres, ce qui correspondrait aujourd'hui (en comptant l'inflation) à environ 6 765 Euros.

Toujours vivant à Bruxelles, il profite de sa retraite militaire pour s'intéresser aux travaux de l'ingénieur allemand Jakub Leopold et imagine le prototype d'un engin mû par l'énergie de la vapeur, déjà très étudiée outre-Rhin. Puis rejoint Paris en 1765 pour se consacrer à l'écriture de deux ouvrages de Génie Militaire dont il retirera deux nouvelles pensions, et surtout la reconnaissance de ses pairs.

Etudiant les travaux d'Eugène Papin et James Watt, il continue ses recherches sur un engin de transport autonome. Son vieil ami Gribeauval étant revenu à Paris en tant qu'inspecteur général de l'armée française, il lui présente son projet, ainsi qu'au duc de Choiseul, devenu ministre des armées. L'état major est emballé! Pouvoir déplacer les engins de guerre et autres ressources sans chevaux ou bras était pour le moins attrayante dans ces périodes troubles. L'idée est immédiatement soutenue et Cugnot reçois l'ordre de construire un prototype de son engin aux frais du Roi.

Le 23 Octobre 1769, une version miniature du Fardier est présentée devant une partie de l'état major. Bien loin de pouvoir transporter les charges, l'idée était déjà de constater de l'efficacité de la machine. Un quart de lieue (4 kilomètres) en une heure, c'est un succès total, et Joseph reçoit une prime de 22 000 livres (plus de 248 000€!) pour mettre en chantier les travaux du véritable Fardier.

Un an plus tard, en Novembre 1770, le Fardier est testé à l'Arsenal de Paris. Une plateforme de 5 milliers (soit 2.5 tonnes) est arrimée au Fardier, et un canon de 48 est fixé dessus. L'engin parcours cinq quarts de lieues en une heure, soit 6km/h en tractant un peu moins de 5 tonnes! Malheureusement, le test se terminera mal, l'engin renversant un mur...

Après plusieurs mois de réparations et de mises-au-point, une nouvelle série de tests est prévue en Juillet 1771... Cependant, le duc de Choiseul n'est plus ministre des armées, et son successeur, le marquis de Montaynard, n'est pas très au fait des nouvelles technologies et remise le projet à l'Arsenal, d'où il ne sortira plus jamais...

Vient 1789. Cugnot n'étant ni royaliste, ni révolutionnaire, il quitte la France pour échapper à la guerre civile et revient à Bruxelles, cette couardise lui vaudra de perdre toutes ses pensions militaires et il aurait bien pu mourir de pauvreté dans la capitale belge sans l'aide d'une "dame charitable" qui le recueillit quelques années, dame dont le nom ne sera hélas jamais passé à la postérité.

En France, L.N. Rolland, commissaire général de l'artillerie sauva par deux fois le Fardier dont la présence représentait selon les plus radicaux une menace pour la toute nouvelle République!

En 1797, le général Bonaparte tout juste revenu d'Italie, prend connaissance du Fardier, et considère son utilité pratique. Une commission fût former pour examiner l'engin, mais le départ du général pour l'Egypte en 1798 empêche la tenue de ces examens.

En 1799, Claude-Pierre Molard, directeur du Conservatoire des Arts et Métiers, réclame la machine de Cugnot dans un but de conservation, mais ce ne sera qu'en 1801 qu'il recevra gain de cause, sa demande étant mise en attente par plusieurs militaires refusant de laisser partir cette merveille d'ingénierie qui prenait pourtant la poussière depuis plus de vingt ans! Le Fardier est toujours exposé de nos jours au CNAM, entretenu comme il ne l'a jamais été, et toujours en état potentiel de rouler, une pièce unique qui mérite d'être vue si vous passez par là (et de toute façon le Musée National des Arts et Métiers mérite votre visite).

Entre-temps, en 1800, un Joseph Cugnot oublié de tous par les troubles de la Révolution, revient à Paris. Le Consulat lui octroi une rente de 1000 livres (équivalent à 10 300€) qui le met à l'abris de tout soucis financier. Bonaparte, pas encore Empereur, reçu personnellement le vieux Joseph pour le remercier pour ses travaux, mais le mal était hélas déjà fait.

Nicolas Joseph Cugnot s'éteint le 2 Octobre 1804 à l'âge de 79 ans, sans famille, sans héritier. Pendant ce temps, outre-Manche, la banlieue de Newcastle voyait l'émergence d'un "tout nouveau" moyen de locomotion, le chemin de fer à vapeur...

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